Fontaine, je boirai de ton eau

Dès la première fois où je l’avais vue, je m’étais sentie irrésistiblement attirée par elle. Non qu’elle ait spécialement représenté le type de femme qui m’attire d’ordinaire, mais en raison d’un charme particulier, d’une sorte de je ne sais quoi qui me faisait la manger du regard, boire ses paroles, guetter le moindre signe d’émotion sur son beau visage à l’ovale parfait.

Elle vibrait d’une manière très particulière ; pleine de santé, elle dégageait une joie de vivre, une gaieté naturelle des plus communicatives. Elle était pourtant affligée d’un strabisme qui, bien que perceptible, ne s’avérait nullement dérangeant, du moins pour moi. Cela lui conférait plutôt un charme supplémentaire, une émouvante fragilité qui accentuait encore mon envie de la serrer dans mes bras. De taille moyenne, tout comme moi, mais plus sportive, elle arborait avec fierté une flamboyante chevelure rousse qu’elle secouait de temps à autre en un mouvement plein de grâce. Je dus me rendre à l’évidence : j’étais bel et bien amoureuse de la ravissante Marjorie.
J’avais la chance de pouvoir, en matière de séduction, me contenter de ne pas repousser les avances de celles qui me plaisaient et de leur donner ainsi la flatteuse impression de m’avoir conquise. Quant aux hommes, c’était le black-out total depuis belle lurette, quelques tentatives de viol m’ayant définitivement brouillée avec la gent masculine. Et puis mon attirance pour mes semblables ne remontait-elle pas pratiquement à mes années de lycée ?
Je m’étais donc trouvée totalement désemparée au moment où, pour une fois, je me trouvais en position de demande sans obtenir la moindre réaction, sans décrocher le plus petit encouragement. Marjorie ne semblait pas même s’être aperçue de mon existence. Il faut dire que le fait de travailler dans la même administration n’avait rien de déterminant. Ayant nos bureaux au même étage, il nous arrivait de nous croiser assez fréquemment dans les couloirs ou à la photocopieuse, mais jamais un bonjour, jamais un sourire, pas même un regard ! Je m’étais donc persuadée que la resplendissante Marjorie était une hétéro indécrottable, et que je n’avais pas la moindre chance d’attirer son attention. J’en étais même arrivée à jalouser les regards qui convergeaient vers elle, qu’ils émanent d’hommes ou de femmes. J’avais l’impression qu’on la souillait ainsi, qu’on me la dérobait, qu’on en faisait une chose publique, hors de ma portée.
o o O o o
Ma copine Caroline, une ravissante petite blonde toute sucrée, toute mignonne, débordante d’une éternelle gentillesse, qui bossait dans le bureau à côté du mien, s’était liée d’amitié avec presque tout le monde à notre étage, ce qui n’avait rien de surprenant compte tenu de ses talents de communicatrice. Elle savait tout de tous et de chacun. Ah ! si seulement la somptueuse Marjorie avait pu m’adresser au moins l’un de ces regards lascifs dont Caroline me gratifiait à longueur de journée ! Cette petite futée, qui était ‘bi’, avait dû s’envoyer à peu près tout le personnel baisable de notre étage ! Quelques chamailleries en avaient évidemment résulté, mais sans conséquence. Elle m’avait, bien entendu, draguée sans vergogne dès les premiers jours de mon arrivée dans le service. Bien que la trouvant très attirante — elle était indéniablement sexy — je n’avais pas voulu, par pur orgueil sans doute, me contenter de venir allonger la liste de ses conquêtes. Je m’étais figuré, bien à tort, qu’elle finirait par se lasser de mes rebuffades. En réalité, d’abord un peu vexée, puis réellement troublée, Caroline s’était entichée de moi, bien plus profondément que je n’étais prête à l’admettre. D’aguicheurs, ses regards étaient devenus langoureux d’abord, embués ensuite, à mesure de la progression d’un désespoir de plus en plus ravageur.
Et puis, un vendredi, à l’heure de la fermeture, fourbue par une semaine qui avait été longue et éprouvante, je devais avoir baissé ma garde, car je ne sus résister à un nouvel assaut de la jolie enquiquineuse. Elle m’avait rejointe dans les toilettes — par hasard ? — au moment où je tentais de me refaire un visage acceptable. Elle s’était tenue derrière moi, immobile, silencieuse. Je n’y avais pas prêté attention sur le moment, mais, surprise par l’absence de bruit et de mouvement de sa part, je jetai un coup d’œil dans le miroir et l’aperçus, rouge, haletante, les yeux fixés sur moi, manifestement en proie à un vif désir. La demande était pressante, formulée avec une telle candeur, une telle sincérité, que j’en fus toute bouleversée. Mes mains, qui tenaient la petite boîte de rimmel et la brossette, se figèrent. Nos regards se croisèrent dans le miroir. Se voyant surprise, elle s’affola un bref instant et je crois que c’est ce moment de détresse qui me fit craquer. Je sentis monter en moi une bouffée d’un sentiment complexe, curieux mélange de tendresse et d’agacement, mais de désir aussi, un désir d’autant plus violent que je l’avais bridé depuis longtemps sans en admettre la réalité et aussi parce qu’il se faisait l’écho de celui, ravageur, de Caroline.
Je déposai mes accessoires et fit face à une Caroline que je trouvai, pantelante, la bouche entrouverte, le souffle court, visiblement bien excitée. J’aurais pu encore la rabrouer et l’éconduire une nouvelle fois, mais je ne pus m’y résoudre, je n’en aurais d’ailleurs plus été capable. Le feu au ventre, je l’attirai à moi.
Immédiatement, j’eus le sentiment d’être envahie par une douzaine de mains qui, toutes en même temps, me parcouraient à toute allure, bondissantes, ravageuses, s’insinuant partout, me pelotant, me griffant… En même temps, une langue humide et vorace s’était mise à me lécher le cou, frétillante, énervée, hystérique. Je vacillai sous cet assaut, un peu effarée par sa soudaineté et sa vigueur. Très vite, ces attouchements me mirent en émoi avant de m’enflammer tout de bon. Nos lèvres se cherchèrent un bref instant, se trouvèrent dans une hâte maladroite et s’ouvrirent bien vite pour laisser nos langues se rencontrer, se lécher, se poursuivre à une allure folle dans nos bouches incendiées. Caroline se frottait la vulve sur ma cuisse qu’elle avait prestement dénudée et je sentis qu’elle était déjà toute trempée. Toute frissonnante, elle haletait et n’allait pas tarder à jouir : les spasmes annonciateurs se manifestaient déjà. Je me laissai emporter par ce tourbillon, et ‘boostée’ par son énergie débordante, je sentis ma propre excitation grimper soudain en flèche. Nous nous mîmes à gémir presque en même temps, je sentais l’orgasme monter en moi. Caroline me prit de court : ses ongles s’enfoncèrent dans la chair de mes bras, elle se raidit un bref instant, j’eus le temps de voir ses yeux se révulser, elle fut prise d’un tremblement incoercible et une plainte montante accompagna sa jouissance éperdue. Je la suivis presque aussitôt et, enlacées, agrippées l’une à l’autre comme deux animaux affolés, nous nous abandonnâmes sans réserve à notre plaisir.
— Il y a si longtemps que… que j’attendais ça ! me confia-t-elle, encore haletante.
Je lui souris longuement puis décollai une mèche de ses beaux cheveux blonds collés sur son front par la transpiration. Elle m’adressa un regard dont l’intensité faillit me faire repartir : tendre, reconnaissant, éperdu, encore vibrant du plaisir qu’elle venait de connaître ! Nous demeurâmes ainsi enlacées encore un bon moment avant de nous décider à nous séparer, bien à regret.
o o O o o
Dans les semaines qui suivirent, Caroline eut un comportement passablement déroutant. J’avais craint tout d’abord qu’elle ne cherchât à mettre à profit sa victoire sur ma longue résistance en me relançant de façon plus ou moins régulière. Il n’en fut rien. Fort intuitive, elle avait sans doute deviné que la chose m’aurait probablement déplu. Elle s’y prit tout autrement : elle avait inventé une forme de harcèlement particulièrement habile qui, je l’avoue, fut loin de me rebuter. Quelques jours après notre mémorable séance dans les toilettes, je tombai, en ouvrant le tiroir de mon bureau, sur un string en satin rose. Intriguée, je l’examinai pour me rendre compte très vite qu’il était tout maculé d’une mouille assez récente. Le rouge me monta aux joues et je refermai rapidement mon tiroir. Mon affolement fut de courte durée et, m’étant assurée que personne n’était dans les parages, je rouvris lentement le tiroir, y pris le string et le portai à mes narines. La forte odeur de sexe qui s’en dégagea aussitôt me fit chavirer. Je fermai les yeux afin de m’en imprégner. Ce n’était certes pas la première fois que j’accomplissais un tel geste, mais le contexte du bureau lui conférait valeur de transgression qui se mua en un joli début d’excitation. Il me parut évident que c’était à Caroline que je devais cette petite farce érotique. Le sourire malicieux ponctué d’une œillade coquine dont elle me gratifia lorsque je la vis, un peu plus tard dans la matinée, vint confirmer cette hypothèse.
Dans les semaines qui suivirent, je trouvai successivement, de jour en jour mais sans régularité, de manière à obtenir à chaque fois un effet de surprise : glissée dans un des mes classeurs, une feuille de papier rose imprégnée d’un parfum capiteux et sur laquelle s’étalait le dessin d’un gros cœur percé d’une flèche ; en fond d’écran sur mon ordinateur, l’image de deux superbes femmes, entièrement nues, vautrées sur un immense sofa, occupées à s’embrasser généreusement tout en se pelotant les seins ; un appel téléphonique au cours duquel je ne fis qu’entendre une série de gémissements dont la nature était sans équivoque ; dans la poche de ma gabardine, un petit godemiché, tout mignon, muni d’un vibreur ; dans ma messagerie, un courriel qui m’était adressé par une certaine ‘Carole’ qui m’avouait qu’elle se masturbait très régulièrement en pensant à moi. Ces petites coquineries m’amusaient et j’avoue que j’en étais arrivée à espérer découvrir ici ou là une nouvelle manifestation de l’esprit imaginatif de ma Carol(in)e chérie. J’étais loin de m’attendre au choc qu’allait me réserver la surprise suivante !
o o O o o
Noyé au milieu du courrier du jour, un dépliant publicitaire venait de me parvenir d’une de ces firmes qui nous en envoyaient régulièrement et que je feuilletais comme à l’accoutumée d’un œil distrait avant de procéder au fatidique ‘classement vertical’. Toutefois, un détail avait attiré mon attention : à l’évidence, l’enveloppe de papier kraft avait été ouverte puis refermée. Je ne pus réprimer un léger sourire, il y avait assurément une ‘carolinerie’ dans l’air ! C’est donc sans grande surprise que je découvris, glissée entre deux pages du fascicule en question, une photographie de… mon sourire, déjà amusé, se figea sur mes lèvres et mon cœur se mit à battre à tout rompre pendant qu’un violent accès de rougeur me montait aux joues. La photo représentait une superbe rousse, entièrement nue, étalée sur un sol carrelé, les jambes écartées, le minou à l’air et dont jaillissait un jet d’urine blanchâtre. Cette rousse pulpeuse n’était autre que… Marjorie !
Je refermai précipitamment le fascicule que je fourrai dans son enveloppe. Il me fallut plusieurs minutes pour me calmer et reprendre un maintien à peu près normal. Ainsi Caroline, cette petite garce, connaissait Marjorie au point de disposer d’une photographie d’elle, et pas n’importe quelle photographie ! Elles couchaient donc ensemble, le doute n’était pas permis ! Je sentis monter en moi une sorte de colère sourde faite tout à la fois d’une jalousie féroce, d’un dépit profond et d’un désir parfaitement déraisonnable doublé d’une frustration qui me noua le ventre. Comment, alors que je m’étais persuadée que Marjorie m’ignorait superbement parce qu’elle était une de ces irréductibles hétéros, je réalisai là, brutalement, et sans que le moindre doute soit permis, qu’elle était au moins ‘bi’, voire lesbienne. Mais alors, comment expliquer son indifférence, sa froideur à mon égard ? Je me sentis tout à la fois vexée, humiliée, bafouée. Des larmes de rage et de dépit jaillirent de mes yeux tandis qu’une boule douloureuse me bloquait la gorge. Je tremblais comme une malade.
Je n’eus de cesse de rencontrer Caroline que je tenais dès lors pour une sorte de diablesse perverse et manipulatrice. Au diable les fantaisies ‘éroticomiques’ dont elle m’avait gratifiée jusqu’ici : il me fallait une explication claire et franche, et vite !
Celle-ci ne tarda pas : quelques minutes à peine après ma pénible découverte, je me trouvais, dans les toilettes dames, en face d’une Caroline passablement déstabilisée par mon air courroucé. À l’évidence, quelque chose lui avait échappé et elle s’en montrait toute marrie, avec une sincérité qui tempéra quelque peu la fougue revancharde qui m’animait.
— Qu’est-ce que c’est que ça ? fis-je, en lui exhibant la photographie de Marjorie, et sur le ton qu’aurait employé une inspectrice de police.
— Mais… balbutia-t-elle, c’est… c’est Marjorie ! Tu sais qui c’est, voyons !…
— Bien sûr que je sais qui c’est, mais je pensais qu’elle ne s’intéressait qu’aux hommes.
Caroline pouffa :
— Hi hi ! On voit bien que tu ne la connais pas !
Je me sentis rougir et je sus que Caroline n’avait pas manqué de s’en apercevoir. Elle enchaîna presque aussitôt, ayant tout deviné déjà, ce qui déclencha en moi une petite vague de panique :
— On dirait qu’elle t’intéresse, pas vrai ? Son oeil s’était déjà fait coquin, voire moqueur.
Je me dis qu’il aurait été vain de nier, aussi avouai-je :
— Eh bien oui, c’est vrai, je la trouve… sublime ! Je ne résistai guère au trouble qui monta en moi à l’énoncé de mon propre aveu.
Caroline me fixait d’une manière insistante, comme si elle s’efforçait de percer mes pensées. Je ne savais comment aborder la question qui me démangeait.
— Et… c’est toi qui as pris la photo ?
— Ben oui !
La boule dans mon estomac réapparut en force. Je ne me pus m’empêcher de lui demander, certaine de courir au-devant d’un désastre :
— Et… vous couchez ensemble ? Ma voix, rauque, trahissait mon émotion. Caroline, j’en étais persuadée, l’avait à nouveau bien noté. Je m’enfonçais ! Je me sentis ridicule.
— Ben, ça nous arrive oui, pourquoi ? Et elle ajouta, sûre d’elle à présent : ça te pose un problème ?
Le ton virait à l’insolence, là. Je me sentis comme fouettée. Pour faire digression, je lançai, presque sans y penser :
— Mais pourquoi l’avoir photographiée au moment où… où elle fait pipi ?
Caroline ouvrit de grands yeux.
— Elle ne fait pas pipi !
Ce fut mon tour d’ouvrir de grands yeux. Je devais avoir l’air parfaitement stupide, car elle manqua éclater de rire. Devant mon ahurissement, elle précisa :
— Ah ! C’est vrai, tu ne peux pas savoir… Marjorie est ‘fontaine’ !
— Marjorie est… quoi ?
— Fontaine ! Quand elle jouit, elle éjacule !… elle émet un jet, quoi !
J’étais sidérée. J’avais bien entendu parler de ces ‘femmes fontaines’ qui, paraît-il, étaient capables d’émettre d’impressionnants jets d’un liquide inodore et incolore au moment de l’orgasme, mais je n’en avais jamais rencontrées, et n’y avais jamais réellement songé. Ainsi donc Marjorie…
Je plongeai mon regard sur la photo et compris alors pourquoi le jet qu’elle projetait au-devant d’elle m’avait paru si blanc ! Ainsi donc, son visage, que je scrutai avec une attention nouvelle, reflétait un plaisir réel, intense, et ne correspondait nullement à l’une de ces poses dans lesquelles se font photographier ces filles qui arrondissent ainsi leurs fins de mois. Une étrange chaleur était en train de se répandre dans mon corps, l’embrasant tout entier. Je réalisai que je crevais d’envie de serrer cette fille superbe dans mes bras, de parcourir sa peau qui avait l’air si douce, de caresser ses seins, ses cuisses sculpturales, de… de… oh mon Dieu ! de boire ce jet qui m’apparut soudain si fascinant ; attirant comme peut l’être un objet inaccessible, interdit. Je sentis que je mouillais à l’idée de vivre des moments intenses avec cette créature superbe, à l’idée de me noyer dans le jaillissement de son plaisir, un plaisir que j’aurais, bien entendu, provoqué.
Caroline qui n’avait pas cessé de m’observer ajouta, avec ce petit sourire en coin que je lui connaissais bien :
— Tu aimerais la rencontrer ?
Je crus que j’allais jouir sur le coup.
o o O o o
Durant toute la semaine, je n’avais cessé d’examiner de près la photo de Marjorie, essayant d’imaginer ce qu’elle pouvait ressentir au moment où elle projetait ainsi au-devant d’elle son jet libérateur. J’étais fascinée, tant par l’ampleur et la force du jet en question que par l’expression de son visage : une délicieuse extase, et l’attitude du corps : arqué, tout tendu, visiblement frissonnant et encore secoué par un spasme violent. La photo avait été prise par Caroline au moment idéal : en plein orgasme ! Elle exprimait ainsi tout à fois la sauvagerie du plaisir à son apogée et la totale fragilité, si émouvante à mes yeux, de l’être qui vit ce ravissement intense. Inutile de dire que mon envie d’elle s’en était trouvée démultipliée ! Arriver à la propulser dans un tel état, provoquer en elle un cataclysme de cet ordre, voir cette belle femme secouée de plaisir par l’effet des caresses que je lui aurais prodiguées sans retenue, tel était devenu mon but, mon obsession.
Dès le premier soir où j’étais rentrée chez moi après la découverte de la fameuse photo, je m’étais masturbée comme une démente, hurlant mon désir inassouvi, ma frustration de ne pas pouvoir partager l’explosion de son plaisir sauvage. Et depuis, il ne s’était pas passé une journée sans que je me sois labouré la vulve, écrasé les seins, laminé l’entrée du vagin au moyen de mes doigts que secouait une impatience frénétique. Cette fille m’obsédait, je sentis que j’en devenais positivement dingue, j’adorais ça… tout en souffrant mille morts.
Caroline m’avait dit qu’elle me téléphonerait pour me dire où et quand je pourrais rencontrer la belle Marjorie. Il m’était devenu impossible de ne pas sursauter au moindre appel téléphonique. À chaque sonnerie, je décrochais, le cœur battant. Avant hier, lorsque je reconnus la voix de Caroline, je mouillai rien qu’au son de sa voix. Hélas ! Elle m’apprit que le rendez-vous n’était pas encore fixé, mais que… « ça ne saurait tarder ». Je suis sûre qu’elle dut percevoir l’impatience que je dissimulai fort mal.
Je n’avais pu m’empêcher de questionner Caroline quant à l’accueil auquel je devais m’attendre de la part de Marjorie. Celle-ci n’avait-elle pas en effet affiché à mon égard la plus parfaite indifférence ? Caroline avait pouffé avant de me lâcher :
— Ma chérie ! Marjorie t’as dans son collimateur depuis la première fois où elle t’a vue !
J’en avais eu le souffle coupé. La chose me paraissait à peine croyable et je me sentis comme dupée, manipulée ! Ah ! la belle garce ! Elle avait bien caché son jeu !
Et puis le coup de fil annonciateur avait fini par arriver : la rencontre était prévue pour le samedi après-midi dans la propriété privée d’une amie de Marjorie, pleine aux as et qui l’avait autorisée, en son absence, à disposer de son living, de sa piscine et, au besoin, de la chambre d’ami, digne, paraissait-il, d’une suite de grand hôtel !
La nuit du vendredi fut peuplée de rêves obscènes où je me trouvais, la bouche grande ouverte, sous Marjorie, en train de me faire asperger pas un jet brûlant de la puissance d’une lance de pompiers !
o o O o o
J’avais passé des heures dans ma petite salle de bains à me faire belle pour Marjorie. J’avais recommencé trois fois ma coiffure et m’étais maquillée et remaquillée, toujours insatisfaite du résultat, telle une collégienne allant à son premier rendez-vous. Mais n’était-ce pas un peu la même situation que j’allais vivre là ? Quant à ma tenue, j’avais étalé sur mon lit le contenu de ma garde-robe et avais enfilé la quasi-totalité de ce que je possédais pour finir par jeter mon dévolu sur ma petite robe lilas qui, avec son décolleté ravageur, orné de fines dentelles, m’avait toujours assuré un joli succès.
Caroline était passée me prendre et j’avoue que je comptais sur sa présence pour atténuer le choc du premier contact. C’est que je me sentais nulle face à cette superbe créature et la perspective de la voir bientôt me remplissait d’une appréhension que je n’arrivais pas à calmer. Caroline me souriait d’un air à la fois amusé et plein de tendresse.
La maison devant laquelle elle rangea sa voiture était une somptueuse bâtisse du genre de celles qu’on voit dans les feuilletons américains. Après avoir traversé un hall gigantesque, tout pavé de marbre blanc, résonnant comme une cathédrale et orné d’un nombre impressionnant d’énormes vases, nous empruntâmes un long couloir, aussi large que mon appartement et recouvert d’un épais tapis grenat. Une porte vitrée donnait sur une piscine hollywoodienne entourée d’une série de fauteuils de jardin et de transats, tous tournés vers l’eau. Assise sur les marches supérieures de la piscine, côté petite profondeur, le bas du corps immergé, les bras appuyés sur le bord, trônait la somptueuse Marjorie, vêtue d’un délicieux bikini d’un blanc éclatant qui ne dissimulait que bien peu de choses de sa superbe anatomie. Marjorie était d’une beauté à couper le souffle. Je l’avais déjà aperçue maintes fois au bureau, mais ici, elle me parut plus resplendissante encore.
Mon cœur se mit aussitôt à battre la chamade et je sentis mes jambes se dérober. Une tête brune qui surnageait tout à côté de Marjorie se tourna vers nous à notre approche, révélant un joli visage aux traits harmonieux. Une amie de Marjorie sans doute, qui n’affichait guère plus de 18 ou 19 ans. Ravissante, mais pas autant que la rayonnante Marjorie qui nous accueillit d’un sourire gourmand.
— Ah ! vous voilà enfin ! Nous dit-elle, comme si elle nous attendait depuis longtemps, alors que nous étions simplement ponctuelles.
Se penchant au bord de l’eau, Caroline fit la bise à Marjorie ainsi qu’à la jolie brune qui s’était approchée du bord.
Toutes trois se tournèrent alors vers moi qui ne savais plus où me mettre. Je devais être rouge de confusion, je me sentais ridicule face à ce trio goguenard et complice.
— Viens ! me lança simplement Marjorie d’une voix chaude et un peu grave. Son intonation fluctuante me fit frémir en ce qu’elle révélait une excitation que rien d’autre dans son comportement ne laissait paraître. Je m’approchai, encore tout intimidée. À l’évidence, Marjorie avait le statut de chef. Les deux autres étaient à ses ordres et je sentis que je n’avais rien de mieux à faire que de me comporter en esclave soumise, ce qui me convenait fort bien. Elle me tendit une main que j’attrapai au vol. Le contact m’électrisa aussitôt et je pris plaisir à laisser nos mains vibrer un moment avant de relâcher la sienne. La petite brune vint poser un baiser délicat sur ma joue. Elle avait les lèvres mouillées, c’était à la fois frais et chaud. Nos regards se croisèrent et ce que je lus dans ses yeux noisette acheva de me fouetter les sangs : le regard de cette petite friponne était franchement vicieux et j’eus l’impression qu’il plongeait dans ma culotte. Une petite pointe de feu se répandit dans mon entrejambe et commença aussitôt de se disséminer alentour. Je réprimai un petit frisson.
Marjorie me fit asseoir à côté d’elle, sur un transat. Elle se leva, sortit de l’eau et vint s’asseoir sur une chaise longue tout à côté de moi. Elle me passa sur la joue une main d’une délicieuse douceur. Son regard s’était fait de braise. Elle me murmura :
— Tu es très belle, tu sais ! Il y a longtemps que j’avais envie de te rencontrer. Je veux t’offrir quelque chose de… spécial. Je crus voir une légère rougeur envahir un bref instant son visage. Elle n’avait pas manqué de remarquer que je la mangeais des yeux et je vis quel délicat plaisir elle y prenait. Je la surprenais à avoir là le même type de réactions que moi en pareilles circonstances : elle se cambra, gonfla avantageusement la poitrine et ouvrit un peu la bouche. Je ne pus m’empêcher de déglutir. Je pressentais qu’il allait se passer quelque chose d’exceptionnel.
— Regarde ! Poursuivit-elle, Caroline et moi allons te faire un petit show. Il lui suffit d’adresser un bref regard à l’intéressée pour que celle-ci, qui semblait n’attendre que ça, vînt la rejoindre. Passant près de moi, Caroline me gratifia d’un baiser dans le cou des plus glouton. Elle déplaça ensuite un transat de manière à faire face à Marjorie. En un tournemain, elle se débarrassa de ses vêtements. La petite brune s’était approchée de moi, elle entreprit, tout en me lançant à nouveau un de ces regards ravageurs, de me déshabiller complètement. En un clin d’œil, nous étions nues toutes les quatre. Si j’éprouvai un moment de gêne, celui-ci fut de courte durée : il fit place à une excitation croissante qu’alimentaient aussi bien la beauté des corps qui s’offraient à ma vue que l’état d’excitation manifeste qui les habitait.
Marjorie et Caroline rivèrent leurs regards l’un à l’autre et, après avoir basculé leurs bassins vers l’avant, écartèrent leurs cuisses, révélant ainsi leur intimité. Presque simultanément, elles se mirent à se masturber sans aucune retenue.
— Vas-y, ma belle, j’aime te voir comme ça ! lança Marjorie à l’adresse de Caroline qui rosit de plaisir.
— Oh ! je ferais ça pour toi du matin au soir ! lui répondit-elle, en proie, déjà, à une belle excitation. Et elle accentua le tournoiement de ses doigts par-dessus son mont de Vénus.
— Tu es vraiment une sale petite vicieuse, toi ! Mais j’aime ça, tu sais… poursuivit Marjorie qui se frottait la chatte avec enthousiasme.
Je sentis que je commençais à mouiller, fascinée par l’étrange spectacle qui se déroulait sous mes yeux. J’aperçus la petite brune qui, à son tour, avait entrepris de se donner du plaisir. Elle était demeurée debout, mais se dandinait sur place, en proie à une vive excitation.
— Tu… oh ! tu es tellement belle comme ça ! affirma Caroline, qui commençait à trépigner légèrement.
— Tu aimes ça, le sexe, hein ! espèce de petite pute ! siffla Marjorie qui, de sa main libre, se malaxait un sein.
— Ouii ! oh ouiii ! Je… hhh… j’aime trop ça… surtout avec toi… avec vous ! Elle eut un bref regard enflammé vers la petite brune, puis vers moi. Ses yeux exprimaient une sorte de détresse qui m’émut.
Marjorie commençait à haleter, son bassin se mit à faire une série de bonds de plus en plus forts à mesure que son excitation montait en puissance. Sa chaise longue émettait de grotesques et grinçantes protestations. Elle s’était laissée aller en arrière, les yeux révulsés, la bouche au large ouverte, les ailes de nez frémissantes. Sa pose obscène la rendait encore plus attirante. Je la mangeais des yeux, et je dois dire que ma propre excitation s’était mise au diapason : je mouillais à présent comme une malade, tout comme Caroline dont les doigts luisants de cyprine, coulissaient à l’entrée de son vagin. Marjorie se mit à gémir :
— Oh ! hhh… oooh… mmmh… hhh… je… je vais…
Tout son corps tremblait, elle dansait littéralement sur son siège, arc-boutée, le sexe pointé vers nous qui la contemplions, prostrées. Une série de spasmes la secoua soudain et, après un bref moment d’immobilité la chose se produisit :
— Aaaaaaaaaaaaaaaah ! hurla-t-elle brusquement tout en ouvrant des yeux immenses qui se rivèrent à son propre sexe au moment même où celui-ci projetait vers l’avant un puissant jet de liquide incolore. Je crus jouir sur place à la vue de ce spectacle ahurissant que je voyais pour la première fois. Le jet s’abattit sur le sol de la piscine en émettant un petit ‘flach’ qui me fit sursauter. À son tour, Caroline poussa une longue plainte sonore et s’abandonna à sa jouissance.
Je n’étais pas encore revenue de ma surprise que je vis Marjorie se cambrer à nouveau. Elle me regarda avec des yeux qui exprimaient une volupté sans borne ! L’intensité de ce regard me pénétra au plus profond. Elle fut secouée par une série rapprochée de spasmes et émit un nouveau jet de liquide, moins puissant. La jolie petite brune était venue s’accroupir à ses pieds et, les genoux fléchis, le sexe brandi, elle émit à son tour, à mon grand effarement, un jet similaire à celui de Marjorie, plus dispersé, mais d’une aussi belle intensité. Les deux émissions de liquide se croisèrent un instant, tels les jets des fontaines ornant les monuments ou les bords de certaines piscines. Il n’y avait pas ici une, mais deux femmes-fontaines.
Le regard que Marjorie m’avait adressé était un appel, un appel pressant auquel je ne résistai guère : mue par une impulsion aussi soudaine qu’irréfléchie, je me précipitai sur son sexe encore tout frissonnant. Je n’avais pas atteint sa vulve que je reçus en plein visage un troisième jet dont l’impact me fit frissonner. C’est sa chaleur qui me surprit le plus. Une sorte de curieux réflexe m’avait fait ouvrir la bouche et je réussis à absorber une partie du liquide. Celui-ci n’avait aucun goût pas plus qu’il ne dégageait d’odeur particulière. Je sentis une nouvelle giclée de liquide chaud à hauteur de mon épaule : c’était la petite brune qui venait, non sans malice, de diriger un nouveau jet sur moi. J’eus un ou deux hoquets et me mis à jouir à mon tour comme une démente.
Loin de m’avachir au terme de ma jouissance, qui fut fulgurante, je me précipitai sur le sexe offert de Marjorie et entrepris aussitôt de le lécher avec avidité. Agenouillée devant elle, juste entre ses cuisses, je farfouillai sa vulve comme une chienne énervée, léchant ses lèvres ruisselantes, les aspirant dans ma bouche pour les relâcher et les aspirer à nouveau, lui distribuant de larges coups de langue, la buvant surtout, essayant de recueillir un maximum de cette liqueur particulière qu’elle avait émise de manière si surprenante. Caroline s’était placée derrière moi et s’était mise à me malaxer les fesses, les écartant afin de bien m’ouvrir. Une vague de chaleur m’envahit lorsque je sentis sa langue s’engager à l’entrée de mon vagin pendant qu’un doigt bien lubrifié s’insinuait progressivement dans mon anus. Je sentis en outre deux petites mains bien fermes s’emparer de mes seins et les triturer à l’envi.
Le doute n’était pas permis : on avait décidé de s’occuper de moi, de me faire la fête ! J’aurais été bien mal venue de m’en plaindre ! Et ce fut comme une sorte de rituel : Caroline me renversa vers l’arrière, me faisant choir sur elle. Elle me soutenait à présent les épaules, me léchant le cou sans retenue. La petite vicieuse avait passé son bras autour de mes hanches et me soulevait le bassin. Elle le présenta à Marjorie qui, immobile, l’air triomphant, attendait que notre étrange trio vint s’immobiliser devant elle. Je me laissai envahir par un fort sentiment de sujétion auquel je m’abandonnai avec une joie un peu sauvage. J’étais leur objet, leur jouet ; elles allaient se repaître de mon corps, se donner du plaisir en usant de moi. J’en conçus un curieux mélange de fierté et de honte. Je sentis que mon excitation reprenait de plus belle. Je frissonnais, secouée de désir. Je perdis un peu la notion de ce qu’il advint ensuite : trop excitée, trop enfiévrée, je m’abandonnai à la fête de mes sens en délire, me laissant envahir par les spasmes qui me parcouraient à présent, renonçant à me situer ailleurs que dans cette bulle magique d’un plaisir ravageur et souverain. Mon vagin pulsait, tout mon corps brûlait…
Étaient-ce doigts qui couraient sur mon épiderme comme araignées affolées, mains qui pétrissaient mes rondeurs ici ou là, langues qui léchaient mon sexe ruisselant ou même vulves trempées qui se frottaient sur mes cuisses ? Au centre de quel ballet lubrique, de quel tourbillon de passions déchaînées me trouvais-je donc ? Je ne m’en souciais nullement, toute occupée à participer à cette bacchanale, ou plutôt à cette sappholie (qu’on me pardonne le néologisme !) et tout bonnement en train de vivre une des jouissances les plus longues et les plus aiguës qu’il m’avait été donné de connaître. Car, depuis un moment déjà, j’étais à nouveau entrée en jouissance, et c’était comme une vague déferlante, non un de ces pics qui nous jettent parfois dans un plaisir bref et soudain, mais une de ces longues plages qui ne cessent de s’étaler, de révéler leur étendue et qui, par paliers, montent sans relâche vers un plaisir toujours plus large, plus intense. Et je vécus cette pétillante sortie de moi-même, cette éruption au ralenti, cet embrasement de mes chairs comme une envolée mystique, comme un acte absolu de dévotion à la plus généreuse des maîtresses qui soit : Sappho, la déesse des plaisirs féminins.
Puis, ce fut comme une descente dans un mol escalier de chair, tendre et chaud qui se resserrait à mon passage. Au bas des degrés m’attendait, perlé de sueur, le visage radieux de Marjorie. Son regard exprimait une tendresse infinie, et je fus presque étonnée de ne pas ressentir à nouveau le spasme que ma chair épuisée me refusait sur le coup. Je ne me souciai pas de savoir à qui appartenait cette cuisse qui barrait mon ventre ; cette main posée sur mon sein et qui le pétrissait encore un peu, mollement ; cette chevelure qui recouvrait mon épaule… Nous ne formions plus qu’une masse, un grand corps alangui, découpé, partagé, un seul être, multiforme, mais soudé, fondu en la même volupté, relâché en la même béatitude.

Marjorie, ma prêtresse, mon initiatrice, ma beauté, ma maîtresse, je suis à toi, je t’appartiens, je suis ton esclave ! Tu disposeras de moi comme tu l’entendras ! Fontaine miraculeuse es-tu ? Oui, sans aucun doute, et, fontaine, je boirai de ton eau, encore et encore !… Je m’y noierai sans doute, pour notre plus grand bonheur !
J’attends tes ordres.

Proposée par Bilitis

Laisser un commentaire